(Adapté d’une conversation de Gil Fronsdal, le 1er octobre 2003)
Le Bouddha était très pragmatique. Il n’a pas philosophé sur la ‘nature de la réalité’; il nous a donné de simples directives sur la manière de gérer les défis et les difficultés de la vie.
Le Bouddha a commencé par la condition humaine de base: nous souffrons souvent. La souffrance peut prendre de nombreuses formes: anxiété, tension, stress, chagrin, peur, ou dissatisfaction, pour n’en citer que quelques-unes. Il a souligné le fait que la souffrance est malléable, que nous pouvons nous y engager de façon à nous en libérer. Il a décrit cinq facultés qu’il nous faut développer afin d’y parvenir : confiance, effort, attention, concentration et discernement.
Ces cinq facultés sont présentes à des degrés divers dans presque chaque activité. Elles sont utiles au développement de toute compétence, que ce soit pour jouer d’un instrument, pour s’entraîner à un sport, ou pour cultiver un esprit méditatif. Le Bouddha a reconnu ces capacités humaines universelles et nous a enseigné la manière de les utiliser afin de développer l’art de la méditation.
La confiance vient en premier car sans elle nous ne marcherions sans doute jamais sur le chemin bouddhiste. Avec la confiance, nous nous appliquons et nous faisons l’expérience des résultats. Plus nous avons confiance, plus nous nous engageons pleinement dans le processus de la méditation.
Lorsque nous commençons notre pratique spirituelle, notre confiance peut être inspirée par quelqu’un que nous avons rencontré ou quelque chose que nous avons lu. Avec le temps, nous apprenons par notre propre expérience que la pratique est utile: notre confiance se vérifie. Par exemple, vous avez peut-être appris par votre expérience que la respiration consciente peut calmer votre nervosité ou tempérer votre impulsivité. Peut-être avez-vous appris que rester conscient de votre corps vous donne plus de stabilité et de calme? Ou peut-être avez-vous vu que l’attention à l’attachement vous aide à vous en libérer? Avec chacune de ces expériences, votre confiance en votre capacité à être attentif et dans la valeur de votre attention grandissent.
La faculté suivante est l’effort. Plus nous sommes confiants, plus nous serons à même de nous appliquer dans notre pratique spirituelle. Il n’y a pas de pratique spirituelle sans effort. Une pratique régulière de la méditation demande de l’effort. Simplement s’assoir sur le coussin de méditation, demande de l’effort. Une fois que nous y sommes, nous devons faire un effort pour tourner notre attention sur la respiration ou pour lâcher les pensées.
En méditation, l’effort ne doit être ni tendu, ni relâché. Mais même de cette manière, un effort héroïque est parfois nécessaire; rester simplement présent à notre expérience demande beaucoup de courage. A d’autres moments, l’effort est facile et ravissant. Vous pouvez vous sentir comme sur un radeau qui vous porte sur un courant doux. Vous devez bien sûr manœuvrer autour des remous et éviter les branches qui s’accrochent, mais même cela peut être facile.
La faculté suivante est l’attention. Inspiré par la confiance, nous faisons des efforts sincères et devenons plus éveillés et attentifs au moment présent, plus aptes à suivre à la trace notre expérience moment par moment. L’attention est la simple capacité à suivre à la trace ce qui se passe dans le présent. Nous apprenons à reconnaître ce qui se passe sans résistance, ni conflit, ni besoin de posseder, ni attachement.
Parfois dans la pratique de la méditation nous faisons l’expérience d’une forte résistance à être présent. Nous devons faire preuve de sagesse par rapport à cette résistance, ne pas la prendre personnellement ou la voir comme un échec, et avoir confiance qu’avec le temps, l’attention se développera. Juger la tendance de l’esprit à vagabonder ou se décourager n’est pas utile. Soyez patient et continuez à faire acte de présence. Tôt ou tard l’esprit se calme. Il cesse de courir en tous sens, et est simplement là.
Une forte attention comporte un élément cognitif, une clarté alerte. Lorsque l’attention est bien développée, vous savez que vous êtes éveillé. Cette clarté a une qualité d’énergie, un délicieux et clair effort, sans effort. Nous ne luttons plus pour être présent; l’esprit est installé dans le moment présent. L’esprit devient un instrument de conscience.
Alors que l’attention devient plus stable et les forces de distraction plus faibles, nous pouvons développer la quatrième faculté: la concentration. Avec la concentration, l’esprit est moins fragmenté. Il devient de plus en plus composé, focalisé et unifié. Nous sommes comme un musicien absorbé par son morceau de musique. La concentration aide l’attention à pénétrer sous la surface du bavardage de l’esprit pour voir ce qui se passe à un niveau plus profond.
Un esprit qui est confiant, engagé, attentif et focalisé peut développer le discernement, la cinquième faculté. Le discernement nous aide à déterminer quels mouvements du cœur et de l’esprit, quels pensées et sentiments sont utiles. Que pouvons-nous lâcher ? Que devons-nous développer davantage ?
Le discernement peut sembler être un défi, ou peut-être plus actif que votre idée de la méditation. Mais avec le discernement attentif, vous verrez que l’esprit occupé ne sait pas ce dont il a besoin. Avec le discernement, nous commençons à prendre nos responsabilités, pas uniquement au niveau de notre comportement, mais aussi au niveau de notre esprit et de ce qu’il fait. Nous remarquons ce qui contribue ou non à davantage de paix. Si la manière dont pratique une personne crée du stress, l’attention et le discernement vont alors le montrer. Lorsque l’esprit s’apaise, nous commençons à apprendre la manière de lâcher les pensées, les sentiments et les motivations maladroites. Le processus de la pratique s’auto-corrige: il guide l’esprit vers une paix et une liberté plus grandes.
Pour apprendre une compétence, vous devez vous appliquer et pratiquer régulièrement. Vous apprenez plus vite quand vous pratiquez tous les jours. De même pour la méditation. Et dans la méditation, comme dans tout métier, nous apprenons de nos « erreurs».
Les cinq facultés – confiance, effort soutenu, attention, concentration et discernement – sont des compétences que nous avons déjà, à un certain degré. Les reconnaître et les cultiver dans notre pratique de la méditation peut nous aider à développer notre méditation et aussi organiser notre expérience de la vie à notre profit et celui d’autrui.